Le soleil d'automne brillait dans le ciel, et un vent frais balayait la cour de la demeure du Capitaine de Tréville. Un petit groupe de mousquetaires bavardait, adossés aux murs de l'écurie, et parfois un éclat de rire transperçait l'air doux. La conversation était joyeuse et légère, comme il sied à des jeunes gens qui savent apprécier chaque instant de l'existence. D'Artagnan prenait un peu de temps pour bouchonner sa fidèle Rossinante, Athos rivalisait d'esprit avec Porthos qui gloussait pour étouffer ses rires, Aramis enfin, s'amusait de les écouter, tout en contemplant rêveusement les nuages que le vent chassait les uns après les autres. Cet instant de quiétude fut brusquement interrompu par un appel impératif, venant du Capitaine de Tréville.
- Athos ! Porthos ! Aramis ! D'Artagnan ! Le Roi sollicite notre présence au Louvre dans les plus brefs délais, il nous faut partir à l'instant.
- Fort bien, nous vous suivons, répondit Athos d'un ton calme, tandis que ses compagnons avaient haussé les sourcils, surpris.
- C'est étrange, murmura Aramis, les affaires sont pourtant calmes ces temps-ci.
- Encore bien si une mauvaise nouvelle n'arrive pas à point pour gâcher notre congé, soupira D'Artagnan qui se languissait de retrouver Constance pour quelques jours, enfin nous verrons bien.

Arrivé au palais du Louvre, le groupe fut introduit non pas dans la salle du trône mais dans le cabinet de travail du Roi, ce qui somme toute était un bien mauvais signe, Sa Majesté devait avoir des nouvelles graves à leur révéler. Louis XIII entra par une porte latérale, les cinq hommes saluèrent respectueusement leur souverain qui les invita à s'asseoir. Il entra rapidement dans le vif du sujet :
- Nous avons eu des informations selon lesquelles des troupes italiennes se seraient rassemblées à proximité de la Frontière de la France, près du Duché de Savoie….
Les mousquetaires se regardèrent, étonnés… L'Italie n'avait jamais été un pays ouvertement hostile à la France. Mais le Roi poursuivit :
- Le Conseil pense qu'il pourrait y avoir là une tentative d'invasion de ce Duché, quant à l'intérêt politique qu'il peut représenter :: vous n'ignorez pas que ma deuxième sœur a été mariée au Duc de Savoie… Dans l'état actuel des choses, son fils aîné est le seul héritier direct du Trône de France….

Un silence se fit dans la pièce, chacun méditant ces paroles… La Reine Anne n'avait en effet pas encore donné de Dauphin au Royaume ; le Prince Philippe et leur second frère n'avaient pas non plus d'enfants, quant aux deux autres sœurs du Roi, respectivement Reines d'Espagne et d'Angleterre, elles avaient renoncé à leurs droits sur le trône de France lorsqu'elles avaient été couronnées dans leur nouvelle patrie. Seule la Duchesse de Savoie avait deux fils. Si l'Italie parvenait à annexer la Savoie, ils obtiendraient de fait une solide option pour asseoir leur propre lignée sur le trône de France, en mariant une des filles du Roi d'Italie au fils aîné du Duché de Savoie…
- Je comprends Votre Majesté ; qu'attendez vous de nous ? répondit Le Capitaine de Tréville.
- Vous, Capitaine, je souhaite que vous restiez à Paris pour rassembler nos troupes : une partie a déjà reçu l'ordre de se diriger vers la Savoie, mais une grande partie reste à regrouper pour concentrer un maximum de forces à cet endroit. Veillez néanmoins de ne pas trop affaiblir nos positions face à l'Angleterre ou à l'Espagne, car il n'est point besoin qu'ils nous menacent à leur tour. Athos, Porthos, Aramis et D'Artagnan, je vous demande de vous rendre en Savoie, afin d'appuyer l'arrivée des troupes… Athos, étant le plus âgé, vous aurez pleine autorité pour organiser la résistance, en compagnie des commandants de garnisons. Dans le même temps, voyez s'il est possible d'obtenir une résolution pacifique de cette situation, je veux éviter une guerre si c'est possible.

Les quatre compagnons se levèrent ensemble :
- À vos ordres, Votre Majesté.
Puis ils saluèrent et prirent congés du souverain. De retour à la compagnie, les quatre mousquetaires entreprirent de soigner leurs chevaux et de préparer leurs affaires en vue de ce long voyage. D'Artagnan boudait, fâché de devoir renoncer aux quelques jours qu'il avait espérés avec Constance. Mais ses trois amis le rassurèrent, il n'y avait là sans doute que pure précaution de Sa Majesté, la situation finirait par se détendre - aucun d'eux ne pouvant croire l'Italie suffisamment téméraire pour décider une offensive sur le royaume de France - et ils seraient bien vite de retour à Paris !