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La jeunesse d'Aramis

1 - Une mère soucieuse

Julie d’Herblay observait sa fille qui évoluait gauchement sur la piste… Cette enfant était insupportable ! Non seulement elle était raide comme un piquet, mais elle ne faisait absolument aucun effort à l’égard de son compagnon de danse… Monsieur du Plessus était un fermier général de petite noblesse mais d’une fortune à faire pâlir d’envie la plupart des demoiselles de la région. Mais cette idiote n’en avait cure ! Elle le regardait à peine et semblait s’ennuyer horriblement.
Madame d’Herblay ne savait que faire avec cette enfant… Quel gâchis ! songeait-elle. Sa fille Renée était pourtant d’une incroyable beauté. Son visage fin illuminé d’immenses yeux bleu azur ne pouvait laisser indifférent. Julie aurait rêvé d’avoir une chevelure blonde aussi chatoyante au même âge… Sans parler de sa gorge pleine, de sa taille fine et de son allure élancée… Avec la fraîcheur de ses seize ans, Renée aurait pu séduire les plus beaux partis de la région si elle avait su se tenir. Mais dès qu’elle ouvrait la bouche, elle réduisait à néant tout espoir de mariage.
Elle était si peu féminine. Elle était franche et moqueuse, disant tout ce qui lui passait par la tête sans peur de heurter ces beaux messieurs. Et puis, elle les regardait droit dans les yeux au lieu de baisser pudiquement le regard comme une timide jeune fille. Pour se faire aimer, une jeune fille se devait de faire croire à son prétendant qu’il était l’être le plus exceptionnel qui soit, elle devait se montrer fragile pour qu’il désire la protéger, elle devait se montrer modeste et discrète pour qu’il se croie intéressant. Elle devait prendre un air intéressé à chacune de ses paroles, même la plus ennuyeuse… Madame d’Herblay désespérait d’arriver à faire comprendre cela à sa fille. Il fallait pourtant bien marier cette enfant !
Julie aurait dû se montrer plus ferme avec son époux quand Renée était enfant… C’était bien de sa faute si Renée était aussi insupportable. Julie voulait l’envoyer au couvent afin qu’elle apprenne la modestie et tout le comportement qu’une parfaite jeune fille devait avoir, mais son époux était totalement fou de son enfant unique. Il l’avait gardée auprès de lui, lui apprenant tout ce qu’il désirait enseigner à son enfant… Un vrai désastre ! Aujourd’hui, Renée était une cavalière accomplie, elle savait manier l’épée et le fusil mieux que beaucoup d’hommes, mais était incapable de danser avec grâce. Son père avait dû oublier qu’il élevait une jeune fille ! Pire que tout, il en avait fait une érudite. Elle lisait des vieux philosophes grecs, des épopées chevaleresques et des poètes aux idées douteuses. Elle avait la tête farcie d’idées stupides et romanesques… Elle était belle, mais la beauté ne faisait pas tout. Quel homme voudrait d’une femme plus habile que lui à l’épée et à l’esprit plus aiguisé que le sien ?
Malgré son caractère épouvantable, Renée semblait plaire à Monsieur du Plessus. C’était le troisième bal où il ne la quittait pas d’une semelle. C’était inespéré ! Cette entêtée ne s’en rendait même pas compte ! Son jugement était obscurci par les poésies qu’elle lisait, elle rêvait d’amour et d’aventures… Aucun sens commun !

Renée attendait la fin de cette danse avec impatience. Ce Plessus la serrait bien trop fort… Dieu qu’elle détestait cette comédie grotesque que sa mère lui faisait jouer soir après soir ! Elle devait sourire à des imbéciles, écouter leurs propos insipides, accepter leurs attentions ridicules… Tout ça dans l’unique but qu’ils la trouvent assez niaise pour vouloir l’épouser ! C’était tellement humiliant !
Et ce Plessus était épouvantable. Quand il la regardait, elle avait l’impression d’être une marchandise sur l’étal d’un marché. Il y avait tant de mépris et de concupiscence dans ses yeux qu’elle se sentait avilie à son contact.
Elle avait beau se montrer aussi froide et dédaigneuse que la politesse le lui autorisait, il ne semblait pas se décourager. Elle montrait un air ennuyé à chaque fois qu’il lui adressait la parole. Elle répondait froidement à chacune de ses phrases… Sa mère devait en être malade mais elle ne pouvait se résoudre à accepter les attentions de cet homme odieux.
Quel ennui ! soupirait-elle. Ces bals étaient interminables…

  1 - Une mère soucieuse
2 - Brève rencontre
3 - Le bal de Monsieur de Plessus
4 - Bonheur
5 - Confiance et union
6 - Une nuit d’orage
7 - Mutisme
8 - Le retour de Monsieur de Plessus
9 - Engagement honni
10 - Décision
11 - Départ
12 - Le capitaine de Tréville
13 - Les mousquetaires