- Comment a réagi le Capitaine ?
La question d'Aramis brisa l'instant si doux qu'ils partageaient. Athos se redressa :
- Je ne sais pas vraiment, il n'est pas venu avec Porthos et D'Artagnan cet après-midi. Et lorsque le médecin nous a annoncé cela, j'étais
trop abasourdi pour me préoccuper de sa réaction. J'imagine qu'il n'est guère ravi de cette nouvelle.
- Le contraire serait étonnant.
Elle se leva, Athos la retint.
- Tu ne songes pas aller le voir immédiatement ?
- Bien sûr que si, pourquoi retarder le moment de subir les foudres de sa colère ?
Elle s'habilla rapidement, avec quelques difficultés, Athos comprit combien elle avait du avoir du mal à cacher ses formes ces derniers temps. Il l'aida
à rebander son buste, mais elle grimaçait de douleur tant ses seins étaient gonflés. Fort heureusement, l'ampleur de la casaque masquait
encore parfaitement son état. En chemin, ils retrouvèrent Porthos et D'Artagnan. Après un bref résumé du pourquoi de toute cette
affaire, ils leur proposèrent de les accompagner auprès du Capitaine, afin de leur offrir leur soutien. Malgré l'heure tardive, Monsieur de
Tréville était encore dans son bureau, il fronça les sourcils lorsque les jeunes gens entrèrent.
- Bonsoir Messieurs. Aramis, votre place est à l'infirmerie, que voulez-vous ?
Athos s'avança en premier :
- Rassurez-vous, Aramis va beaucoup mieux et a eu l'autorisation de quitter sa chambre. Maintenant, je pense que nous avons beaucoup à nous dire.
- Je ne vois pas ce qu'il y a à ajouter, mon cher Athos.
Aramis pris son courage à deux mains :
- Je doute qu'il n'y ait rien à ajouter au fait que je porte un enfant et que je ne pourrais bientôt plus le cacher. Je suis désolée,
Capitaine, de vous avoir menti à tous de la sorte, et encore plus désolée de l'embarras que cela implique. Nous n'avions pas envisagé que
cela puisse arriver, compte tenu du passé d'Athos, mais il faudra se résoudre à l'accepter. Comme j'accepterai votre probable décision de
me renvoyer des rangs des mousquetaires.
Le capitaine marmonna un moment, observa ses hommes un instant, puis finit par dire :
- Cela sera délicat, je ne peux vous renvoyer sans en référer au Roi, cela soulèvera trop de questions.
Il hésita un instant puis ajouta avec un sourire paternel :
- Néanmoins, je veux que vous sachiez que je suis très heureux pour vous. Bien sûr je devrais être furieux, mais lorsque Dieu bénit
l'union de deux êtres par la conception d'un enfant, il n'y a qu'à s'incliner. Je vous souhaite beaucoup de bonheur.
Athos et Aramis furent surpris de cette réaction car ils s'étaient davantage attendus à un sermon qu'à des vœux. Embarrassés,
ils ne surent pas quoi répondre, mais déjà Porthos s'était porté à leur niveau et prenait la parole à son tour.
- Capitaine, pourrais-je vous proposer un plan afin de permettre à Aramis de quitter la Compagnie jusqu'à la naissance de son enfant, et ce sans que
quiconque ne s'en aperçoive…
- Hélas Porthos, il est impossible de la faire disparaître pendant des mois sans que cela se remarque.
- Sauf si vous la remplacez pendant ce temps…
Un silence suivit ces paroles, le Capitaine semblait intrigué :
- Pouvez-vous nous donner quelques précisions, Porthos ?
- C'est très simple. Je connais, parmi mes relations, un jeune homme du peuple, orphelin, qui est fort bon escrimeur et qui ressemble suffisamment à
Aramis pour se faire passer pour elle et la remplacer.
- En êtes-vous certain ?
- Vous serez vous-même saisi par la ressemblance, si je ne connaissais pas le vrai milieu d'origine de Denis, j'aurais aussi bien pu les croire jumeaux depuis
que je les connais tout deux.
- Est-ce un homme de confiance ? Car il faudra naturellement lui révéler la vérité sur Aramis.
- Je me porte garant de lui, Capitaine. Ce n'est certes pas un gentilhomme issu de la bourgeoisie, mais c'est un homme de cœur et d'esprit, je suis sûr
qu'il sera d'accord pour jouer le jeu.
Chacun convint que ce plan était excellent à la condition que la ressemblance soit réelle… Porthos eut donc la permission de
prévenir le-dit Denis, et de le présenter au groupe s'il acceptait d'entrer chez les mousquetaires à la place d'Aramis.