34 - DéchirementsLe lendemain, Aramis arriva fort en retard à la Compagnie. La nuit avait été pénible, peuplée de mauvais rêves, et cette
fois-ci, ses cernes ne témoignaient pas de la fougue d'Athos. Elle ne fut pas tellement surprise lorsque D'Artagnan lui annonça d'un air taquin l'absence
d'Athos, sous-entendant qu'il n'avait pas suffisamment dormi pendant la nuit pour se présenter à son poste. Le jeune gascon resta abasourdi lorsque, sur
ses dernières paroles, son amie éclata en sanglots. Ils étaient fort heureusement seuls dans la salle de garde compte tenu de l'heure
avancée, et il la prit dans ses bras jusqu'à ce qu'elle se calme, puis lui demanda avec douceur :
- Enfin Aramis, qu'est-ce qui vous met dans cet état, je ne vous reconnaîs plus depuis quelques temps, vous êtes si sensible et
imprévisible ! Vous êtes-vous disputée avec Athos ?
- Pire que cela, D'Artagnan, articula-t-elle entre deux sanglots étouffés.
- Expliquez-vous enfin !
- C'est une longue histoire, mais je lui ai dit que je ne voulais plus le voir, ni vivre avec lui.
- Seigneur, le pensiez-vous vraiment ?
- Non, pas réellement. Mais je suis dans une situation qui est pour le moins délicate, je ne fais que des erreurs et je lui fais du mal… Je lui ai
dit n'importe quoi au lieu de la vérité.
- Quelle situation ?
- Je ne peux vous le dire D'Artagnan, pardonnez-moi.
- Soit, mais pensez que je fais partie de vos amis, et vous pouvez avoir confiance en nous tous pour partager vos ennuis… En attendant, il nous faut retrouver
Athos, car après un tel rejet de votre part, je crains qu'il n'ait fait quelque bêtise.
Aramis hocha affirmativement la tête, l'air piteux. Elle le suivit jusqu'à la demeure d'Athos, où ils découvrirent la porte
entrebâillée, et en rentrant, leur compagnon affalé sur la table entouré d'une collection de bouteilles plus ou moins vides. Après la
fermeture de la taverne, il avait titubé jusque chez lui pour achever son œuvre. Ses deux compagnons le transportèrent jusqu'à son lit, mais
il restait profondément endormi. Restant auprès de lui, Aramis caressait son visage avec douceur, dévorée par le remord, en évitant
de croiser le regard de son voisin. Elle était fermement décidée à avouer enfin toute la vérité, quelles qu'en soit les
conséquences, elle avait fait suffisamment de mal comme cela. Athos ne revint à lui que plusieurs heures plus tard, et maugréa en apercevant son
ami :
- Que faites-vous ici, D'Artagnan ?
- J'ai pensé que vous aviez peut-être des ennuis.
- Je ne vois pas pourquoi vous avez pensé une telle chose.
Mais en voyant Aramis apparaître derrière le jeune homme, il comprit la raison de sa présence. Sans réfléchir, il se releva en
chancelant, et indiqua la porte à la jeune femme :
- Sortez d'ici Aramis, je n'ai plus rien à vous dire. Je ne veux pas vous voir chez moi.
- Athos, je t'en supplie, laisse moi t'expliquer…
- Il est inutile d'essayer, je ne veux même pas savoir ce que vous avez inventé comme histoire, vous avez réagi exactement comme je m'y
attendais.
- Mais tu ne comprends pas, je n'ai pas cherché à me débarrasser de toi…
- Je ne veux rien savoir, sortez immédiatement, tous les deux. Laissez-moi tranquille, je n'ai pas besoin de vous, je n'ai besoin de personne d'ailleurs.
- Mais il faut que je te dise…
- HORS D'ICI !!!
Il avait hurlé tellement fort qu'elle sortit en courant, et, bouleversée, retourna à la compagnie en chevauchant à bride abattue.
D'Artagnan, lui, n'avait pas bougé d'un pouce et dévisageait son ami avec un mélange d'étonnement et de pitié.
- Peut-être auriez vous pu lui laisser la chance d'une explication. Je ne l'ai jamais vue aussi malheureuse. Je crois qu'elle n'a jamais voulu vous blesser en
réalité, elle semblait décidée à vous avouer quelque chose, qu'elle a refusé de me dire. Peut-être quelque chose
d'important.
- Si vous êtes là pour la soutenir, vous ne m'êtes d'aucun réconfort.
- Soit, je vous laisse. Mais je crois que vous faites l'un et l'autre une énorme erreur, elle en vous ayant caché quelque chose, et vous en ne la
laissant pas s'expliquer.
- Vous n'avez aucune idée de ce qu'elle m'a dit, de ce qui s'est passé hier…
Le regard d'Athos était farouche, et incroyablement triste. D'Artagnan préféra ne pas insister. |
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21 - Incertitudes 22 - Le passé d'Athos 23 - Une nouvelle mission 24 - Voyage vers l'Angleterre 25 - Au hasard d'une halte 26 - Un nouveau secret 27 - Le pied marin 28 - Sur le sol anglais 29 - D'Artagnan a des ennuis 30 - Règlement de compte 31 - Le grand bal du départ 32 - Retour en France 33 - Revirement 34 - Déchirements 35 - Révélations 36 - Le temps des explications 37 - Face au Capitaine 38 - Le pavillon de Versailles 39 - Engagement d'éternité 40 - Le remplaçant
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