Quelques semaines après leur retour à Paris, Athos rendit une petite visite à Aramis. Lorsqu'elle lui ouvrit la porte, elle eut l'air surprise puis s'effaça pour le laisser entrer. Aussitôt le battant refermé, il l'étreignit avec force en l'embrassant, mais elle se dégagea en protestant :
- Tu n'es pas prudent, Athos, de venir ici en plein jour.
- Je m'en moque, bientôt nous serons loin d'ici toi et moi.
Elle esquissa un sourire. Il reprit aussitôt :
- Aussi me suis-je dit que c'était la dernière occasion de connaître ta chambre de jeune fille.
- Cesse de dire des bêtises.
- Mais je ne plaisante pas. J'ai follement envie de toi.
Joignant le geste à la parole, il la souleva avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, et poussant la porte de la chambre d'un coup de pied, il la porta auprès de son lit.
- Seigneur, tu es de plus en plus pesante ou bien c'est moi qui vieillit trop vite !
Elle fit mine de se sauver, mais il la rattrapa aussitôt, déchirant sa chemise au passage :
- Fais attention, voyons, avec ton ardeur, je n'aurais bientôt plus une seule chemise entière à mettre !
- Peu importe, je t'en offrirai une autre, mais pour l'instant je te veux, et je t'aurai.
Vaincue par son autorité, elle se laissa faire avec volupté. Elle s'allongea lascivement sur le lit, grisée par la chaleur qu'il avait éveillée en elle. Elle sentait ses mains qui la touchaient, et elle arqua son corps dans sa direction. A sa grande surprise, il eut un petit rire enjoué. En se redressant, elle constata que son regard la détaillait de haut en bas :
- Je trouve que tu as tendance à grossir, Aramis. Tu manges trop ces derniers temps. Je comprends que la cuisine anglaise te plaisait, mais maintenant que nous sommes rentrés, il va falloir faire attention, sans quoi tu vas finir par ressembler à notre cher Porthos.
Cette remarque la glaça. Ainsi la seule chose qui lui venait à l'esprit était un excès de ripaille, cette constatation la peina car elle avait espéré que son étrange embonpoint l'amènerait sur la piste de la vérité, mais il n'en envisageait même pas l'éventualité. Son désir s'éteignit instantanément, mais lui ne s'était aperçu de rien et s'était déjà allongé sur elle. Elle le sentait se glisser dans son corps, ce qui l'enivrait habituellement, mais cette fois, elle le repoussa violement. Il se retrouva sur le sol, hébété :
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Elle se mordit la lèvre, ne sachant que lui répondre. Elle était persuadée que si elle parlait de l'enfant qu'elle portait, il ne la croirait pas, et même s'il la croyait, il lui demanderait pourquoi elle ne lui avait rien dit jusqu'à ce jour. Elle hésitait et se sentait prise au piège de ses mensonges, alors qu'elle savait qu'il détestait cela. Si elle lui avouait qu'elle lui cachait la vérité depuis près de deux mois, il lui en voudrait et ne lui ferait plus confiance. Perdue et confuse, elle ne trouva d'autre solution que de le fuir et parla avant même d'avoir réfléchi aux conséquences de ce qu'elle allait dire :
- Rien, simplement je n'ai pas envie. Et je n'ai plus envie de venir avec toi à Versailles.
Athos parût surpris et bouleversé.
- Mais pourquoi ?
- Il n'y a pas de raison à donner, j'ai changé d'avis, un point c'est tout. J'envisage de retourner dans ma famille prochainement. Je n'ai plus le désir de m'attacher à qui que soit ici.
Athos s'était redressé et la regardait d'un air mauvais.
- J'aurais du deviner que cela finirait ainsi. Malgré tes belles paroles, tu ne saurais te contenter de moi.
- Ce n'est pas ce que tu crois Athos.
- Moi, j'ai simplement cru que tu m'aimais, mais j'ai eu tort.
Il ramassa ses affaires, s'habilla et sortit sans rien ajouter de plus. Aramis fondit en larmes. Elle avait le sentiment de ne faire que des erreurs depuis qu'elle avait découvert sa grossesse, mais elle ne savait plus comment revenir en arrière. Après avoir perdu Athos, il ne lui restait plus qu'à trouver un moyen de quitter Paris, d'autant que sous peu chacun pourrait deviner son secret, à l'exception de la seule personne qui aurait du le voir. Athos, de son côté, erra longuement dans les rues. Il ne comprenait plus, Aramis l'avait assuré de son amour et avait même accepter de devenir sa femme. Tout cela avant le voyage en Angleterre… Mais elle avait changé, prenant peu à peu des distances avec lui, pour finalement le rejeter. Cela semblait un cauchemar. Il était persuadé que cette volte-face était due à la crainte de s'attacher à un homme ne pouvant lui donner un enfant à long terme. Triste et désabusé, il entra dans une taverne avec la ferme intention d'y passer la nuit à s'enivrer.