31 - Le grand bal du départAthos ne fut pas long à découvrir la blessure d'Aramis, mais celle-ci refusa son aide ce qu'il ne put accepter, ni comprendre :
- Mais enfin, pourquoi nous l'avoir caché ? Tu as besoin d'être soignée convenablement…
- Et c'est précisément ce que je fais… seule…
- Tu sais bien que nous ne t'aurions pas traînée auprès des médecins anglais, au risque de te dévoiler, mais D'Artagnan t'aurait fait
profiter de sa mixture qui fait miracle sur les blessures.
- Je me suis débrouillée seule pendant des années, j'ai appris à soigner mes blessures et mes maladies. Je t'assure que je n'ai besoin
d'aucune aide, ni de personne.
- Je pensais que tu avais besoin de moi…
La voix d'Athos sonnait comme un reproche. Aramis comprit que ses paroles l'avaient blessé, mais il sortit, l'air pitoyable, avant qu'elle ait pu rajouter
quelque chose de réconfortant à son encontre. D'Artagnan, de son côté, se rétablit rapidement, davantage aidé par l'onguent de
sa grand-mère que par les médecins anglais. Aussi la date du départ fut elle fixée, et le Roi Charles Ier organisa une fastueuse
réception afin d'honorer le départ de son beau-frère. Le banquet devait être suivi d'un bal masqué, et le Capitaine de
Tréville suggéra à ses hommes de participer à la fête, en s'efforçant de se fondre dans la masse des courtisans britanniques
pour surveiller les invités de plus près et repérer les éventuelles menaces. Aramis s'aventura à prendre une tenue féminine
pour participer à la soirée, à la fois par goût de la provocation, et par souci de ruse, car nul ne se douterait qu'une
élégante lady anglaise masquée puisse être un des mousquetaires français. Elle descendit en dernier et repéra aisément
ses compagnons dans la foule. Porthos s'était glissé auprès du buffet et surveillait les abords, en dévorant une cuisse de volaille.
D'Artagnan virevoltait sur la piste, Constance à son bras, se tenant non loin du couple royal. Le Capitaine surveillait toute la salle depuis la galerie. Athos
lui cherchait Aramis du regard, ne la reconnaissant dans aucun des courtisans. Il dissimula avec peine sa surprise lorsqu'une dame anglaise lui demanda si sa
galanterie la laisserait sans cavalier pour la danse suivante. Il ne tenait guère à inviter une étrangère, mais accepta néanmoins
afin de se rapprocher de leurs majestés qui tournaient au centre de la piste, et d'épauler D'Artagnan dans sa surveillance.
- Vous sembliez chercher quelqu'un…
La voix de sa cavalière le surprit.
- Nullement, Madame, j'attendais simplement le moment… ou bien la cavalière idéale pour rentrer sur la piste. Elle fut fort difficile à
trouver à vrai dire.
- Vous cherchez à me flatter ! Il est évident que vous êtes français…
Il fronça les sourcils, car en dépit de l'accent anglais prononcé, ce timbre de cette voix lui parut brusquement familier. Croisant le regard de
la femme, il reconnut le regard bleu azur d'Aramis.
- Aramis ! Je ne t'avais pas reconnue ! As-tu perdu l'esprit de te vêtir ainsi ?
- Bien au contraire, puisque toi-même tu ne m'as pas reconnue… et qui donc s'attendrait à retrouver un mousquetaire du Roi déguisé de
la sorte ! Avoue honnêtement que je n'ai guère l'allure d'un guerrier farouche.
Il rit de son astuce, et profita avec un plaisir accru de cette danse. Ils croisèrent plusieurs fois les souverains français et anglais, sans qu'ils
manifestent le moindre signe de reconnaissance de la jeune femme. Seul D'Artagnan adressa un sourire entendu à ses compagnons, accompagné d'un clin
d'œil taquin. Lorsque la soirée toucha à sa fin, Aramis se sauva avant les autres convives, passa devant le Capitaine de Tréville qui lui
adressa un fin sourire.
- Avez-vous passé une agréable soirée, charmante Lady ?
Elle hésita un instant, mais sa voix n'exprimait pas de reproche, plutôt un certain amusement. Aussi esquissa-t-elle une petite révérence
avant de répondre innocemment :
- Excellente, Monsieur, je crois même que c'est le bal le plus réussi auquel j'ai jamais participé. Quel enchantement que la présence de ces
valeureux mousquetaires français !
Puis dans un bruissement de tissus, elle s'enfuit vers sa chambre pour se changer, tandis que peu à peu la salle de réception se vidait, les
invités regagnaient les uns après les autres leurs appartements dans un babillement joyeux. Louis XIII et Charles Ier conversaient encore non loin du
buffet, sous l'œil attentif de Porthos et du Capitaine. D'Artagnan, de son côté, se chargeait d'escorter la Reine Anne et Constance. Moins d'une
heure plus tard, chacun s'était assoupi, laissant l'euphorie de la fête et la douceur de la danse se prolonger en rêve jusqu'à l'aube. |
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21 - Incertitudes 22 - Le passé d'Athos 23 - Une nouvelle mission 24 - Voyage vers l'Angleterre 25 - Au hasard d'une halte 26 - Un nouveau secret 27 - Le pied marin 28 - Sur le sol anglais 29 - D'Artagnan a des ennuis 30 - Règlement de compte 31 - Le grand bal du départ 32 - Retour en France 33 - Revirement 34 - Déchirements 35 - Révélations 36 - Le temps des explications 37 - Face au Capitaine 38 - Le pavillon de Versailles 39 - Engagement d'éternité 40 - Le remplaçant
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