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Destin de mousquetaires 2

28 - Sur le sol anglais

Les côtes anglaises étaient déjà en vue, au lever du soleil. Il arrivèrent à Douvres très tôt, et purent reprendre la route aussitôt car la Reine se sentait nettement mieux après la nuit passée à bord. La campagne anglaise était très silencieuse, comme figée par le froid qui semblait plus vif de ce côté-ci de la Manche. Le soleil ne parvenait pas à percer l'épaisse brume matinale. Une envolée d'oiseaux qui n'étaient pas encore partis vers le sud passa au-dessus d'eux dans un bruit de froissements d'ailes. En dépit du calme apparent, chacun était aux aguets, car ils n'étaient plus sur le sol français et il était difficile de prévoir les dispositions des Anglais à l'encontre du Roi de France. Les toits de Londres apparurent à l'horizon, le but de leur voyage était proche et tous en ressentaient un certain soulagement. Ils furent surpris d'être salués avec chaleur par les habitants, qui leur souriaient largement : ils apprirent par la suite que les londoniens appréciaient beaucoup leur jeune et rayonnante souveraine, qui les avait conquis en dépit de ses convictions catholiques, et l'accueil à leur égard en fut considérablement amélioré. Le château de Windsor, où résidait le Roi d'Angleterre, se découpa bientôt sur le ciel qui restait résolument gris. Des gardes armés les regardèrent approcher mais n'eurent pas le moindre geste lorsque le groupe franchit la grille du palais. Les jeunes souverains britanniques les attendaient déjà. Henriette Marie descendit à la rencontre de son frère qui l'étreignit dès sa descente de carrosse. Puis Louis salua avec chaleur son beau-frère qui invita tout le groupe à se réfugier à l'abri de la salle de réception. Là les attendaient déjà les plus hauts dignitaires anglais pour une première présentation, qui parut bien longue aux voyageurs. Athos, Porthos, Aramis et D'Artagnan s'étaient discrètement postés aux angles de la pièce, légèrement en retrait, et observaient avec attention les faits et gestes des personnages présents. Le Capitaine de Tréville, lui, se tenait fièrement derrière ses souverains, défiant d'un regard implacable quiconque oserait attenter à leurs vies. La cérémonie d'accueil fut suivie d'un festin majestueux, qui n'avait rien à envier aux plus grands banquets donnés au palais du Louvre. La nuit était déjà fort avancée lorsqu'ils regagnèrent les appartements qui leur avaient été attribués, dans l'aile ouest du château de Windsor. La chambre des souverains français était entourée par celles des mousquetaires, et même directement reliée à celle du Capitaine, de sorte qu'à la moindre alerte, chacun pourrait être éveillé en un instant.

La journée du lendemain, ainsi que les suivantes, se passa en réceptions protocolaires diverses et interminables, tous les aristocrates anglais semblant désireux d'être présentés au Roi et à la Reine de France. De cérémonies en repas, le quatuor de surveillance ne relâchait jamais son attention. Tapis dans l'ombre, ils assistaient à chaque apparition de leurs souverains, et dans les rares moments de détente, se retrouvaient dans l'une ou l'autre de leur chambre, à la recherche d'un peu de repos.
- A quelle heure doit avoir lieu la prochaine présentation, Athos ? s'enquérait D'Artagnan en bâillant, nonchalamment appuyé au pilier du baldaquin de son ami.
- Dans trois quarts d'heure, répondit Athos sans la moindre hésitation.
Porthos bougonna et Aramis poussa un soupir à fendre l'âme.
- Cela n'en finira donc jamais ?
- Allons, d'où vient ce manque d'enthousiasme, ma chère Aramis ? plaisanta Athos.
- J'en ai simplement assez de ces rencontres interminables avec les nobles anglais, ils sont ennuyeux et guindés à mourir, on ne peut même pas s'amuser en les écoutant. Et puis, je suis épuisée à force de dormir quatre heures par nuit.
- Allons, courage, mes amis.
- Moi, je n'aurai de courage que si Lady Katlynn paraît ce soir, ronchonna Porthos, sans quoi je risque bien d'en perdre l'appétit.
Ses trois compagnons éclatèrent de rire à ces paroles, et Athos ne put s'empêcher de le taquiner :
- Voyez-vous cela ! Nous ne manquerons pas de vous le rappeler lorsque vous vous jetterez goulûment sur le buffet campagnard de ce soir, d'autant qu'ils ont prévu des spécialités écossaises tout à fait remarquables, paraît-il.
- Ceci-dit, Athos, s'il perd l'appétit, il pourra peut-être retrouver une silhouette plus apte à séduire cette charmante demoiselle, enchaîna Aramis, le regard brusquement pétillant de malice.
Porthos fronça les sourcils, s'étrangla légèrement, puis finit par se laisser gagner par le fou rire de ses camarades. Leurs moments de plaisanteries et de complicité allégeaient quelque peu la longueur de ce séjour et la lourdeur de tous les cérémonials auxquels ils assistaient depuis des jours.

  21 - Incertitudes
22 - Le passé d'Athos
23 - Une nouvelle mission
24 - Voyage vers l'Angleterre
25 - Au hasard d'une halte
26 - Un nouveau secret
27 - Le pied marin
28 - Sur le sol anglais
29 - D'Artagnan a des ennuis
30 - Règlement de compte
31 - Le grand bal du départ
32 - Retour en France
33 - Revirement
34 - Déchirements
35 - Révélations
36 - Le temps des explications
37 - Face au Capitaine
38 - Le pavillon de Versailles
39 - Engagement d'éternité
40 - Le remplaçant