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Destin de mousquetaires 2

27 - Le pied marin

Le départ fut retardé jusqu'au soir, car la mer était violement agitée par une sorte de tempête de vent. Après de longues manœuvres, le bateau finit par prendre la direction de l'Angleterre. La voilure était réduite au maximum pour ne pas être arrachée par les rafales. Les mousquetaires avaient apporté leur aide pour le départ, tandis que le couple royal s'était réfugié dans l'abri de leur cabine. Ils furent grandement soulagés en voyant que la navigation s'améliorait en s'éloignant des côtes, en dépit des vagues violentes qui continuaient à les secouer. Aramis avait des haut-le-cœur abominables à cause du tangage perpétuel du navire. Ce n'était certes pas son premier voyage en bateau, mais le mauvais temps - ou plus probablement son état - rendait celui-ci très pénible. Au bout d'un petit moment, Porthos la retrouva assise sur un escalier du pont, blanche comme un linge.
- Vous êtes malade, Aramis ?
Aramis secoua affirmativement la tête.
- Ce n'est rien, Porthos. Seulement les mouvements du bateau qui me donnent le mal de mer. Cela passera une fois les pieds sur terre.
- Vous devriez aller vous reposer un moment.
- Je ne sais pas, j'ai l'impression que ce sera encore pire une fois allongée.
Elle tenta de se lever, mais ses jambes refusaient de la porter. Porthos l'attrapa sous les bras :
- Je vais vous emmener à votre cabine, même sans être allongée, vous y serez plus à l'aise. Et puis vous serez à l'abri de ce vent glacial.
Il la transporta, lui proposa de manger un morceau ce qu'elle refusa tout net. D'Artagnan et Athos les rejoignirent, inquiets après avoir vu Porthos soutenir la jeune femme. Athos ne put s'empêcher de faire remarquer :
- Tu n'as jamais été malade en voyage ! Est-ce la fatigue qui te met dans cet état ? Ce genre de faiblesse ne te ressemble guère…
Aramis haussa les épaules en signe d'ignorance. Elle savait pertinemment le pourquoi de sa faiblesse. Cependant elle redoutait déjà d'avouer la vérité à Athos, alors à ses trois amis en même temps, cela lui sembla insurmontable sur le moment. La nuit rampa sur les flots qui se calmèrent progressivement. La jeune femme ne s'en sentit pas vraiment soulagée, mais elle put s'allonger pour essayer de dormir. Au milieu de la nuit, le grincement de sa porte la réveilla en sursaut, et l'instant d'après la voix d'Athos lui demandait dans un murmure si elle se sentait mieux. Il s'allongea auprès d'elle et la réchauffa dans ses bras, la berçant de mots très doux. Elle ferma les yeux pour retenir ses larmes, car elle se sentait terriblement fautive de lui mentir. Pour se donner un semblant de bonne conscience, elle se dit qu'il valait sans doute mieux attendre la fin de la mission afin de ne pas perturber le groupe. Mais cette façon dont elle repoussait indéfiniment le moment de se confier à lui n'était rien de moins que de la lâcheté, ce qui ne lui ressemblait pas et augmentait son sentiment de culpabilité. Cherchant un peu de réconfort, elle se pressa contre l'homme qu'elle aimait, goûtant à cet instant où il la tenait étroitement dans ses bras, glissant avec insistance ses mains sous ses vêtements. Incapable de résister à l'appel de ses propres sens, elle se dévêtit et offrit son corps à son amant, qui n'attendait que cela. En ce bref instant, ils oublièrent l'un et l'autre le serment fait au Capitaine ; elle oublia ses mensonges et jusqu'à cet enfant qu'elle portait au moment où il prit possession d'elle, avec une sorte de brutalité tant son désir était fort. Ils s'aimèrent avec une passion décuplée par la frustration de ne pouvoir s'aimer au grand jour, le regard brûlant et le souffle court. Une fois leurs sens apaisés, elle s'assit sur lui, offrant à ses yeux le spectacle de sa nudité, toute pudeur envolée, et avec l'espoir qu'il pourrait découvrir de lui-même le secret extraordinaire qu'elle portait. Toutefois il ne s'aperçut de rien, malgré les longues caresses dont il épuisa le corps si fin de la jeune femme. Sans doute aurait-elle du profiter de ce doux instant d'intimité pour lui expliquer qu'il avait tort de ne s'en remettre qu'à son passé, et que finalement l'amour qui les unissait allait donner naissance à une sorte de miracle. Mais vaincue par l'accumulation de la fatigue, elle s'étendit et s'endormit contre lui. Lui passa le reste de la nuit à contempler son visage, pâle mais toujours aussi beau. Il caressa longuement la douce chevelure blonde, songeant à la joie que cela serait de pouvoir la tenir ainsi dans ses bras chaque nuit. Il se promit de tout arranger dès leur retour d'Angleterre pour faire remettre en ordre sa demeure dans la forêt jouxtant Versailles, afin de s'y installer avec elle. Entendant un début de remue-ménage sur le pont, il fut obligé la laisser aux premières lueurs de l'aube, la laissant se réveiller seule avec ses remords.
  21 - Incertitudes
22 - Le passé d'Athos
23 - Une nouvelle mission
24 - Voyage vers l'Angleterre
25 - Au hasard d'une halte
26 - Un nouveau secret
27 - Le pied marin
28 - Sur le sol anglais
29 - D'Artagnan a des ennuis
30 - Règlement de compte
31 - Le grand bal du départ
32 - Retour en France
33 - Revirement
34 - Déchirements
35 - Révélations
36 - Le temps des explications
37 - Face au Capitaine
38 - Le pavillon de Versailles
39 - Engagement d'éternité
40 - Le remplaçant