De retour au château de Chambéry, D'Artagnan conduisit Athos dans sa chambre, puis se rendit directement auprès du Duc pour lui raconter ce qui s'était passé. La tentative d'assassinat d'Athos, qui s'était porté ambassadeur dès le départ, avait montré que les Italiens se refusaient à tout compromis.
- Je crains hélas qu'il nous faille nous préparer à une attaque, Monsieur le Duc, conclut-il à la fin de son récit.
- Vous avez raison, hélas, répondit le Duc, le visage soucieux. Je suppose que vous prenez le commandement à la suite d'Athos. Que pensez-vous faire ?
- Je vais prendre en charge la garnison qui est arrivée, et la préparer au combat… D'ici à la déclaration des hostilités, je pense qu'Aramis sera sur pied pour s'occuper de la cavalerie, et peut-être Athos aussi, suivant la gravité de sa blessure. Quant à Porthos, je vais l'envoyer immédiatement avertir Sa Majesté de l'échec de nos négociations…
D'Artagnan songea avec amertume qu'il n'y avait même pas eu de négociations en fait ; la première partie de leur mission s'était en fait bien mal déroulée, et lui seul était encore en un seul morceau. Il salua le Duc et prit congé pour donner des ordres. Porthos partit aussitôt pour Paris, porteur du message de D'Artagnan à l'attention du Roi, lui relatant les difficultés rencontrées dans leur mission. Il avait rajouté qu'il lui semblait que quelqu'un tenait l'ennemi fort bien informé de se qui se passait en France et au Louvre. Le complot aurait donc été entretenu par quelque aristocrate opposé au Roi. D'Artagnan passa prendre des nouvelles d'Athos. Aramis, qui s'était occupée de la blessure, lui dit que la plaie était très profonde et qu'elle ignorait si Athos s'en remettrait. Sa voix tremblait un peu en disant cela, et ses yeux brillaient de façon inhabituelle. D'Artagnan le remarqua :
- Vous semblez particulièrement inquiète à son sujet.
- C'est mon ami, c'est bien naturel.
- Il n'a pourtant guère été amical ces temps-ci avec vous.
Elle baissa la tête, visiblement ébranlée.
- Je le sais, répondit-elle dans un murmure. Je peux me tromper, mais il me semble deviner un autre de vos secrets, Aramis. Cependant, vos yeux peinent à dissimuler celui-ci.
Aramis rougit, mais n'eut pas le loisir de répondre.
- Je vous laisse le soin de vous occuper de lui, en espérant que ce rapprochement forcé adoucira son humeur. Je dois organiser la résistance du Duché, et j'aurai besoin de vous lorsque la cavalerie arrivera, mais d'ici là, reposez-vous et faites en sorte de dompter Athos.
Il posa sa main sur son épaule avec un sourire et pris congé. Le jeune mousquetaire rejoignit les troupes, qui avaient établi un campement plus en avant dans la montagne, non loin de la frontière. Il s'assura que chaque homme était en bonne santé, et avait son équipement au complet, ce qui s'avéra fort utile. En effet, certaines armes étaient défectueuses et il fallut prévoir leur réparation au plus vite. L'intendance lui donna également du fil à retordre, car les troupes avaient été déplacées rapidement, sans que l'approvisionnement ne soit vraiment planifié. Fort heureusement, il put trouver un arrangement avec les rares paysans qui vivaient à flanc de montagne, en attendant un ravitaillement plus important. Il s'enquit également de la surveillance de la frontière, et fut assez surpris de la réponse reçue :
- En fait, Monsieur, compte tenu des effectifs réduits, nous n'avons assuré la surveillance que des zones les plus accessibles.
- Comme si les Italiens allaient passer par la porte d'entrée. L'effectif étant augmenté, je veux un guetteur dans chaque vallée, chaque pic rocheux et chaque col qui donne sur l'Italie, même si la frontière vous paraît inaccessible.
- Mais…
- Pas de discussion, si les Italiens n'ont pas encore attaqué, c'est probablement qu'ils recherchent le point d'accès le plus improbable afin de nous surprendre. Nous ne leur en laisserons donc même pas l'occasion. Exécution !
- À vos ordres !
L'armée française prit ainsi ses positions, tant bien que mal.