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Destin de mousquetaires

6 - Chacun ses secrets

D'Artagnan fixa un moment Aramis, qui restait étendue et inconsciente, sa silhouette féminine parfaitement reconnaissable sous la chemise, puis releva les yeux vers ses deux compagnons.
- Vous ne semblez guère surpris D'Artagnan, murmura Athos.
- Je le savais déjà, je l'ai découvert lors de la prise de Belle-Ile-en Mer… Lorsque Manson l'a blessée à l'arbalète pour reprendre la batterie.
Porthos leva une moue désabusée.
- Pourquoi nous l'avoir caché dans ce cas ?
- Il ne m'appartenait pas de vous le dire, Porthos... Seule Aramis pouvait décider de tout avouer, mais elle ne pouvait s'y résoudre, de peur de trahir la confiance du Capitaine.
Athos se fâcha :
- Parce que naturellement, le Capitaine est au courant, en voilà une affaire sordide ! Nous étions ses amis, elle ne nous a pas fait confiance !
- Oublieriez-vous ce qu'est un ordre, Athos ? Le Capitaine lui avait ordonné de garder cela le plus secret possible, allez-vous la désapprouver d'avoir obéi ?, tonna D'Artagnan.
Athos se tut. D'artagnan poursuivit :
- Vous la jugez pour un secret, mais que savez-vous au juste de ce qu'elle a vécu avant d'entrer dans la Compagnie et de ses motivations ?
- Dans ce cas, éclairez-nous, vous qui semblez en savoir si long.
Une pointe de jalousie perçait dans la voix d'Athos, qui semblait vexé que le benjamin du groupe ait été préféré comme confident aux amis de longue date. D'Artagnan soupira et entama le long récit de l'histoire d'Aramis, ou plutôt Renée… Son histoire d'amour avec François, le précepteur du Prince Philippe, l'assassinat de François par un complice du masque de Fer, sa fuite de chez elle pour échapper au mariage forcé, son entrée chez les mousquetaires afin de pouvoir venger son fiancé, ce qu'elle avait finalement réussi en combattant Manson à Belle-Ile. À la fin de son monologue, Porthos semblait ébranlé :
- Diantre, voilà une jeunesse bien malheureuse, pauvre Aramis. Je n'aurais jamais imaginé cela… Bien sûr j'aurais préféré qu'elle nous dise la vérité, mais bon… après tout, cela n'amoindrit en rien ses qualités de mousquetaire, et humaines aussi, elle était notre amie comme si elle avait été un homme, nous avons souvent ripaillé ensemble, et combattu côte à côte… pourquoi cela changerait-il ?
D'Artagnan répondit d'un ton impératif :
- Il n'y a pas de raison que cela change… Aramis est notre amie, et notre compagnon de combat. Elle l'a toujours été ! Elle a risqué sa vie pour le Roi et pour nous, comme nous l'avons fait pour elle. Rien ne peut effacer ce qu'elle a accompli au sein de la compagnie. Et puis femme ou pas, elle a toujours été soumise au même conditions que nous, et ce sans jamais se plaindre.
- Vous demeurez bien silencieux, Athos.
La voix d'Aramis s'était élevée derrière eux. Éveillée, elle s'était redressée et n'avait probablement pas perdu une miette de tout ce qui venait de se dire. Athos haussa les épaules, boudeur :
- Je ne peux concevoir de l'amitié sans confiance, comment pouvez-vous espérer que je pourrais m'appuyer sur vous en sachant que vous savez nous mentir… Comme toutes les femmes d'ailleurs, toutes les mêmes intrigantes et perverses.
Aramis fronça les sourcils :
- Je voudrais bien savoir ce qui vous autorise à parler ainsi des femmes ? Excepté Milady, toutes les femmes qui nous entourent sont la douceur et la bonté même, comme Constance ou encore Sa Majesté la Reine…
- Ce ne sont pas là des femmes ordinaires. Les femmes que l'on croise chaque jour dans la rue n'ont pas leurs qualités et leur grâce. Ce que je sais, moi, de ces femmes, c'est qu'elles ne sont que perfidie et mensonges. Et après tout vous avez su nous montrer à quel point vous excelliez dans ce dernier domaine.
- Croyez-vous que j'ai eu le choix ? J'aurais tellement préféré tout vous avouer, parfois, car c'est un secret bien lourd à porter seule. Quant à votre prétendue connaissance de la femme moyenne, je la trouve extrêmement étroite. Visiblement, vous connaissez plutôt mal les femmes et vos paroles sont indignes d'un gentilhomme. D'où vient votre mépris ? Répondez !
- Nous avons tous nos secrets, Renée, siffla Athos, qui se détourna et sortit de la cabane.
L'échange avait été vif : D'Artagnan et Porthos n'avaient pu intervenir, et ils restaient abasourdis de la réaction de leur camarade. Aramis se renversa sur la paillasse, les yeux brillants, et tenta de se rendormir, car la route du lendemain, qui les amènerait en Savoie, serait sans doute rude.
  1 - Le complot de Savoie
2 - En route pour le Duché
3 - Un chemin détourné
4 - Embuscade armée
5 - Découverte imprévue
6 - Chacun ses secrets
7 - Négociations pour la Savoie
8 - Echec
9 - Sur le pied de guerre !
10 - Ingratitude
11 - Une étrange réponse
12 - Résistance
13 - Fierté et faiblesse
14 - Aveux
15 - Abandon
16 - Avancée des troupes
17 - La bataille de Chamouny
18 - Retour à Paris
19 - Le jugement de Jussac
20 - Le couple interdit