13 - Fierté et faiblesseAramis rentra donc à Chambéry le premier soir, inquiète pour Athos. Elle le trouva, toujours allongé, mais légèrement
fiévreux. Elle craignit que sa blessure se soit aggravée :
- Athos, comment vous sentez-vous, ce soir ?
- Je vais très bien, je vous le répète. Je serai sur pied en moins de temps que tout le monde semble le croire, répliqua-t-il
sèchement.
- Allons, ne soyez pas stupide. Votre front est brûlant, je veux voir la plaie.
Curieusement, la plaie avait commencé à bien se refermer.
- Je vous l'avais dit, triompha Athos. Je me porte comme un charme et je serai très vite sur pied. Je ne suis plus un enfant, et je n'ai pas besoin qu'on me
surveille en permanence !
Après une nouvelle nuit de veille, elle regagna le campement de l'armée. Mais elle revint chaque soir au château pour vérifier
l'amélioration de la blessure d'Athos. Grâce à sa force, il cicatrisait mieux qu'elle ne l'avait craint, même si l'entaille restait
très vive. La fièvre tomba au bout de deux jours. Il était de moins en moins pâle et commença même à se lever
prudemment. Néanmoins, il ne pouvait tenir longtemps debout sans que les élancements de sa blessure ne le force à se recoucher, ce qui l'irritait
grandement. Il n'était pas dans son caractère de se supporter souffrant. Son humeur vis-à-vis d'Aramis restait froide et maussade, soir
après soir. Il s'entêtait à seriner qu'elle ne lui était d'aucune aide, et qu'il se débrouillerait parfaitement sans elle.
- Je suis pratiquement remis, vous feriez mieux de rester à veiller sur vos troupes.
- Mes troupes se reposent la nuit, Athos, ils n'ont pas besoin de moi. Et croyez qu'avec les journées d'entraînement qu'ils suivent, ils dorment
très bien !
- Donc vous les laissez car ils n'ont pas besoin de vous, et vous venez m'encombrer alors que je n'ai pas non plus besoin de vous.
- Vous commencez à m'ennuyer Athos ! Malgré vos belles paroles, vous seriez bien en peine de changer vos pansements seul, croyez-moi. Je n'irai pas
jusqu'à vous demander de le reconnaître, mais au moins de vous taire !
Aramis se fatiguait vite de par ses va-et-vient entre le château et les campements. Ses yeux étaient marqués, si bien qu'un soir dans un
accès d'épuisement, elle s'endormit sur le fauteuil auprès d'Athos, juste après son arrivée. Celui-ci ne lui avait pas fait
meilleur accueil qu'à l'accoutumée, mais il profita de ce moment pour examiner cette créature dont il tentait de se défendre, mais qui
opposait un combat farouche, ployant sous les reproches mais n'abandonnant jamais son rôle improvisé de médecin. Les signes de fatigue qui
marquaient le visage de la jeune femme n'étaient pas du qu'à la préparation de la cavalerie, il le savait et sentait vaciller la colère
qu'il entretenait depuis des jours… comment continuer à soutenir ses accusations qu'elle n'était pas digne de confiance - en tant que simple
femme, qui leur avait menti -, quand il voyait avec quel indéfectible entêtement elle revenait pour prendre soin de lui. D'un geste incertain, il
caressa sa joue pâle. Sa peau était si douce… Nullement une peau d'homme… Comment avait-il pu ne pas s'en rendre compte auparavant ? Il se
remémora longuement toutes les fois où Aramis s'était comportée de façon étrange, et jamais lui ou l'un de ses compagnons
n'avait eu le moindre soupçon. Maintenant qu'il savait, tout cela lui paraissait tellement évident. L'élégance de sa mise, la finesse de
ses traits, le timbre léger de sa voix… Tandis qu'il l'observait attentivement, il sentait sa colère s'évanouir totalement, cédant
place à une sorte de chaleur en lui, qu'il n'avait pas connu depuis des années… une chaleur qu'il tentait en fait d'étouffer depuis des
jours. Il s'interrogea en lui-même : se pouvait-il qu'il soit effectivement en train de tomber amoureux d'Aramis ? Il rejeta la tête en arrière.
Impossible ! Impossible d'être vraiment attiré par ce bout de femme aux airs de garçon manqué… et pourtant… Son regard revint
sur elle, sa main se posa à nouveau sur son visage, en une nouvelle caresse qui cette fois la réveilla. Elle ouvrit ses grands yeux bleus, tandis
qu'Athos retirait prestement sa main, cherchant frénétiquement une remarque désagréable, mais force fut de constater qu'il se trouvait
brusquement bien désarmé devant le regard surpris que lui adressait la jeune femme. Vaincu, il soupira, hésitant à briser le silence. |
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1 - Le complot de Savoie 2 - En route pour le Duché 3 - Un chemin détourné 4 - Embuscade armée 5 - Découverte imprévue 6 - Chacun ses secrets 7 - Négociations pour la Savoie 8 - Echec 9 - Sur le pied de guerre ! 10 - Ingratitude 11 - Une étrange réponse 12 - Résistance 13 - Fierté et faiblesse 14 - Aveux 15 - Abandon 16 - Avancée des troupes 17 - La bataille de Chamouny 18 - Retour à Paris 19 - Le jugement de Jussac 20 - Le couple interdit
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