10 - IngratitudeAthos avait repris connaissance le lendemain de son agression, et la première chose qu'il vit était Aramis se tenant près de lui. Elle n'avait
pas cessé de le veiller depuis son retour d'Italie. Perdu dans les brumes de son réveil, il lui demanda :
- Que faites-vous ici, vous ?
La brusquerie de son ton blessa Aramis, qui, piquée au vif, répondit froidement :
- En voilà une charmante façon de me remercier de vous avoir soigné… peut-être auriez-vous préféré que je
vous laisse vous vider de votre sang ?
Athos regarda tout autour de lui, il se rendit compte qu'il était de retour à Chambéry, dans sa chambre, il lui semblait avoir un grand trou
dans sa mémoire. Où étaient passés la tente, les Italiens et l'entrevue prévue ? Et pourquoi cette douleur intolérable
dans le dos ?
- Que s'est-il passé, sang dieu ?
- Les Italiens ont tenté de vous supprimer. Au lieu de vous recevoir, ils ont envoyé un de leurs hommes pour vous tuer. C'est D'Artagnan qui vous a
sorti de là ! Il vous a ramené ici gravement blessé.
- Il semble qu'ils ne soient pas parvenus à leur fin, pour ce qui est de me supprimer. Encore bien que nous n'y soyons pas passés tous les deux…
Des nouvelles de la frontière ?
- D'Artagnan met la première garnison en place. Une autre devrait arriver dans la soirée. Porthos est parti pour Paris alerter le Roi de la tournure
de cette affaire.
Athos chercha à se redresser. La douleur lui arracha une grimace. Aramis fronça les sourcils.
- Où donc espérez-vous aller ?
- Rejoindre D'Artagnan, il a besoin d'aide.
- Je vous l'interdis, votre plaie n'est pas encore refermée, vous ne pourriez aller loin, même si vous parveniez à vous lever.
- Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous, Renée.
- Ne m'appelez pas ainsi, je déteste ce nom ! Et en tant que garde-malade, je ne vous laisserai pas vous lever tant que je jugerai que la plaie n'est pas
cicatrisée !
- C'est vous qui m'avez soigné en plus ?
- Je vous l'ai déjà dit !
- Je vois… et qu'espérez-vous en retour ? Que je vous remercie ?
- Je n'espère rien, je vous ai soigné car c'était mon devoir. En revanche, je veux bien que vous vous retourniez pour que je refasse votre
bandage.
Athos croisa les bras, refusant de bouger.
- Je n'ai pas envie.
- Là n'est pas la question.
- Je veux quelqu'un d'autre pour s'occuper de moi.
- Et pourquoi donc ?
- Parce que je n'ai nulle confiance en vous.
Aramis se retint de le gifler. Elle se contenta de le fixer avec hauteur :
- Pourtant vous aviez confiance en moi il y a quelques jours, lorsque vous vous balanciez dans le vide…
- Cela n'avait rien à voir, je m'accrochais à un ami que je connaissais. Mais finalement, je ne vous connais pas. Je ne sais pas qui vous
êtes… Vous êtes une étrangère !
Aramis accusa le coup. Il y avait un soupçon de vérité dans ces paroles, mais elle ne pouvait supporter qu'il la traite ainsi, oubliant tout
ce qu'ils avaient vécu côte à côte.
- Vous avez tort... Je ne suis pas différente de votre ami. Vous refusez juste de faire l'effort pour voir que je n'ai pas changé. Maintenant
tournez-vous, je vous en prie…
Soigner un Athos conscient était une odyssée, Aramis s'en rendit vite compte. Pendant les jours qui suivirent, il n'adoucit pas son attitude à
l'égard de la jeune femme. Il refusait de bouger, lui reprochait de lui faire mal et de trop serrer le bandage, se plaignait de sa présence trop
envahissante. Aramis serrait les lèvres, et mettait une obstination accrue à s'occuper de lui, nullement décidée à se laisser
impressionner par cet homme qui la rejetait, après avoir été si proche d'elle pendant ces dernières années. |
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1 - Le complot de Savoie 2 - En route pour le Duché 3 - Un chemin détourné 4 - Embuscade armée 5 - Découverte imprévue 6 - Chacun ses secrets 7 - Négociations pour la Savoie 8 - Echec 9 - Sur le pied de guerre ! 10 - Ingratitude 11 - Une étrange réponse 12 - Résistance 13 - Fierté et faiblesse 14 - Aveux 15 - Abandon 16 - Avancée des troupes 17 - La bataille de Chamouny 18 - Retour à Paris 19 - Le jugement de Jussac 20 - Le couple interdit
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